Recherche médicale et données dont disposent les assureurs
Mis à jour le :
lundi 10 février 2020
Recherche médicale et données dont disposent les assureurs : un point d’équilibre délicat entre la sauvegarde des droits individuels et l’intérêt supérieur de la santé publique.
Les données médicales recueillies périodiquement par les assurances-maladie gagnent en importance dans la recherche scientifique sur la santé. Cet article met en lumière la dualité entre le principe de sauvegarde des droits individuel et celui de l’intérêt supérieur de la santé publique en soulevant différentes problématiques. Il traite l’aspect de la compatibilité de la recherche sur les services de santé avec la loi sur la protection des données et la recherche sur l'être humain.
La recherche sur la santé doit nécessairement se baser sur un grand nombre de données recueillies, fournies par les assurées, dont disposent ensuite les assureurs. Ces derniers analysent de plus en plus les données essentiellement à des fins d'amélioration de la qualité des prestations fournies, mais également pour lutter contre la surfacturation. En outre, cette surfacturation devient par conséquent beaucoup plus facile à sanctionner, étant basée sur une grande quantité de données et d'outils d'évaluation. Aussi, le coût et l'efficacité des traitements peut-être examinés. Ex : Les 15 produits les plus vendus (dont de nombreux immunosuppresseurs, mais aussi certains médicaments anticancéreux) représentent un coût annuel de 1,2 milliard de francs suisses. L'analyse des données d'assurance permet notamment de comparer les coûts des patients soignés par ceux qui dispensent des médicaments en auto-distribution de ceux qui prescrivent ces médicaments en pharmacie.
On dingue d’une part les données sensibles qui nécessitent d’être anonymisées afin d’écarter la possibilité d’identifier une personnes en fonction de différents critères qui peuvent former un faisceau d’indices convergent. En outre, on parle d'anonymisation, si la ré-identification n'est pas possible ou seulement avec un effort disproportionné est (art. 25 de la loi relative à la recherche sur l’être humain ; LRH). Les données de santé anonymisées peuvent être fournies sans consentement et continuer à être utilisées pour la recherche. La question inévitable et délicate est de savoir si et dans quelle mesure une anonymisation de ces données est possible. On les oppose aux données dites de « routine », dont les assureurs peuvent plus facilement se servir, qui ne fournissent que des informations d’ordre général. Celles-ci peuvent permettre de développer des indicateurs de résultats destinés à mesurer la performance des soins et la sécurité des patients hospitalisés.
Le champ d'application de la loi sur la protection des données (LPD) s'étend au traitement des données des personnes physiques et morales par des particuliers et des organismes fédéraux. On distingue là encore deux types de traitements des données. Tout d’abord, l’article 22 LPD (DSG), permet aux organismes fédéraux de traiter des données à caractère sensible à des fins personnelles, à condition que les données soient anonymisées (art. 22 lit. a LPD ). A contrario, un traitement à des fins non personnelles écarte le principe de limitation de la finalité prévu à l’article 4 §3 LPD, de sorte que les enregistrements de données peuvent être utilisés pour tout projet de recherche.
Par ailleurs, les données personnelles particulièrement dignes de protection utilisées par les organes fédéraux ne peuvent être traitées et transmises à des fins personnelles sans base juridique qu’à condition qu'elles soient anonymisées et dans le cadre la recherche médicale (art. 22 §1, lit. a LPD).
La recherche sur les services de santé dont font partie intégrante les assurances maladie est une condition sine qua non de la recherche sur la santé publique. En Suisse, compte tenu de l’augmentation des coûts dans le secteur de la santé, il serait souhaitable que le rapport coût/efficacité et l'opportunité des thérapies, d’après les connaissances scientifique, soient davantage étudiés afin d’aiguiller de manière plus précise les patients vers les bons prestataires de services médicaux.
Céline Guillet-Dauphiné, juriste
NB : À noter qu’il s’agit d’un devoir et non d’un droit d’exploiter les données médicales dont disposent les assurances maladies dans le cadre de la recherche, pour répondre à la question posée dans l’article : « Pflicht oder Kür ? ».